Klint : Conscience de soi et confiance en soi.

On a rencontré Klint, grand amoureux du dessin et des accords musicaux. Cet amour, l’Art le lui rend à merveille, à travers ses créations toutes aussi puissantes les unes que les autres. Cette conversation a été le prétexte parfait pour parler de fabrications artistiques, de confiance en soi et de l’importance de se savoir, dans sa force et ses leçons.

Les prémices

Ta musique est très groovy, expérimentale, aussi mais très sincère. Sincère dans ta recherche de plénitude. Ici, le terme “plénitude” parce qu'en te lisant il est tentant de faire le lien entre ta musique et la recherche de plénitude. C’est une musique réfléchie : comment as‑tu appris à la fabriquer ?

Comment j'ai appris.. j'apprends toujours en vrai. Même aujourd'hui je me dis que je devrais apprendre plus de choses parce que je n'ai pas assez bien appris. Je pense que j'ai toujours eu la fibre musicale en moi. Même si ça ne s'est pas développé hyper tôt. Moi, les prods, j'ai commencé à en faire en 2013, quand j'étais en troisième. Et même à ce moment‑là, c'était pas aussi musical et groovy que maintenant. C'est vraiment un truc que j'ai acquis au fur et à mesure. En pratiquant et en écoutant d'autres choses. Je pense que c'est beaucoup en écoutant, et beaucoup de mimétisme. C'est beaucoup de “ok, je vais entendre ça, j'entends ça, je vais essayer de reproduire ça et je vais voir si ça marche“. C’est autodidacte, j'apprends tout seul avec YouTube aussi et ça marche. Si j'ai des personnes qui savent le pratiquer, je vais leur demander.

Prelude of…What? ; Klizzle (2020)

La transmission

Tu as parlé de la fibre artistique exploitée “tard” ; comment a‑t‑elle été plantée ? Comment cet amour de l'Art t'a‑t‑il été transmis ? 

Il faut savoir que moi, ma première façon de m'exprimer artistiquement, c'était le dessin. J'ai commencé avec ça. Dès que j'ai su tenir un crayon, j'ai dessiné. J'ai toujours dessiné, tout au long de ma vie, même quand j'ai commencé à faire de la musique, je dessinais toujours. Mais la musique, comme j'ai dit tout à l'heure, je pense que c'était en moi quelque part. C'est‑à‑dire que je suis congolais et dans ma famille, beaucoup de sons passent. Et je sais que lorsque j'écoutais des sons congolais, il y avait un truc qui se passait en moi. Je ne saurai pas comment expliquer ni ce que c'était exactement, mais il y avait quelque chose qui se passait en moi et je sais que j'avais ce sens musical. Donc quand j'ai commencé à en faire, ça ne m'a pas paru illogique. Je n'étais pas en mode “Ok, je ne sais pas dans quoi je m'embarque, c'est quoi la musique, c'est quoi ça.” Ce sont des sentiments que je connaissais déjà. C'est juste qu'à un moment donné, j'écoutais un son qui a fait que “wesh, non, là c'est trop, là je vais en faire”. Et c'est comme ça que ça s'est planté, au fur et à mesure.

Le pays

En parlant du Congo, il est très présent dans tes visuels, dans ce que tu partages ; qu'est‑ce que le pays t'inspire ? 

J'ai remarqué qu'en grandissant, j'étais quand même très fasciné par tout ce qu’est le Congo, culturellement surtout. Que ce soit la musique ou la langue. En plus je suis quelqu'un qui adore les dessins animés. Je sais qu'à l'ancienne, il y avait le dessin animé “Bana Boul”. C'était excellent. Ce sont des petits trucs comme ça qui ont fait germer cet amour pour le Congo, du moins culturellement, et je pense qu'au fur et à mesure cet amour, je l’ai arrosé histoire que ça grandisse. Je me suis dit que je devrais plus mettre ça en avant, parce que ça fait partie de moi. Récemment, j'ai eu cette révélation et que je me suis dit, en vrai, ce serait cool que, de par ma musique ou par mes dessins ou juste par ma démarche artistique, qu'on sente que je suis congolais. Je pense que ça s'est fait comme ça. 

Mpongo Love ; Vivre avec toi (1985)

Le voyage

Prelude…of What ; est sorti en 2020. C'est un projet imagé, très connecté au voyage, dans la mesure où les titres évoquent la course, la montée, les montagnes, l’envol : à l’image du morceau Kilimandjaro ; le tout sonne un peu comme une exploration. Dans quel état d'esprit étais-tu quand tu as créé tout ça ?

Tu as grave visé juste parce que l'année d'avant, j'ai sorti un projet collaboratif sur Soundcloud uniquement, qui s'appelle Speedway. Dans ce projet, on suivait deux pilotes, dont moi, dans une course à Barcelone. Ils font une course et ils décident de partir comme ça, pour voyager. Donc ils se font la malle. Et il y a vraiment cette esthétique‑là dans Speedway, où il y a des bruitages qui évoquent vraiment le voyage, la course.

Et Prelude…of What ?, j'ai vraiment voulu en faire un spin‑off. Me dire “ok, qu'est-ce qui se passe après? C'est quoi la suite ?” … j'ai voulu aller dans la continuité. On entend et ressent beaucoup d'ambiances aussi de voyages, comme tu as dit dans les titres.

J'ai voulu continuer sur un truc plus solaire. Et franchement, j’avais juste envie de raconter une autre histoire. C'était vraiment un challenge artistique, rien d'autre. Le challenge de raconter une histoire, en incorporant des voix. Dans Speedway, il n'y a pas de voix. Et là, j'ai voulu monter d'un cran avec des voix, des featurings ou avec des interludes. Ou en intervenant moi aussi, car on m’entend. Mais le thème, c'était juste de nous faire voyager. J’ai fait le projet en été 2020, en plein covid. Comme dans l'intro, vraiment pour faire changer les idées, pour faire voyager parce qu'on était en plein confinement à ce moment‑là et je voulais sortir un projet qui puisse permettre de s'évader.

L’hommage

Notre envie de te rencontrer s’est exacerbée lorsque tu as livré le dessin en hommage aux éboueurs. Pourquoi était‑ce important pour toi de faire ce dessin ?

Je suis quelqu'un d’empathique. J’étais dans le bus, vraiment random, je regarde par la fenêtre, je vois un éboueur en train de marcher dans la rue, sur le point de monter dans le bus dans lequel j'étais. Déjà, là, j'ai compris qu'il n'était pas avec son équipe, parce que j'ai jamais vu un éboueur dans le bus. Du coup, il monte dans le bus et il descend. Tu vois, il marche normal, tranquillement. Je ne l’ai même pas vu un mode pitié ou quoi, tu vois. J'ai juste dit que... Ah ouais, en vrai... Je sais pas, il était dans le bus, qu'il n'était pas avec ses collègues. Et là je me dis qu'ils sont courageux de ouf. Ils taffent de fou, on les néglige un peu. À peine si on les regarde. C'est un grand métier, dont on a besoin. Je me disais, en vrai, ce serait stylé de les dessiner, de leur rendre hommage. Et du coup, je suis rentré chez moi, j'ai fait un croquis. À la base, je ne voulais pas faire le dessin comme ça. J'ai quand même pris un peu de temps pour le faire. J'ai pris mon temps. L’idée a germé comme ça, vraiment de manière random. J'aurais pu ne pas rencontrer l’éboueur et ne jamais faire le dessin. Mais quand je l’ai vu, je me suis dit que ce serait bien de leur rendre hommage. Au moins faire ce geste.

The Garbageman’s day off ‘Paris it’s exhausting’ ; Klint (2023)

La sagesse

En 2022, tu écrivais vouloir devenir “un homme dont on se souvient pour sa sagesse”. Comment ta quête vers la sagesse se poursuit‑elle? As‑tu la sensation de rencontrer ton Toi sage ? 

Je pense que je suis encore dans le tunnel. Je me vois encore au loin là‑bas, mais je sais comment me rejoindre. Il se passe des trucs dans la vie qui font que, des expériences aussi qui ont fait que ! Mais je sais comment parvenir à ce stade là, je sais ce qu'il faut faire, je sais ce qu'il faut éviter de faire, je connais le chemin à emprunter tu vois. Je pense que je suis dans une bonne voie. Et de par les échos que j'ai, lorsque j'ai publié des écrits ou même juste mes dessins, je vois qu'en vrai, c'est pas impossible pour moi d'atteindre cet idéal là d'homme sage. Je pense qu'à ce stade‑là, je suis encore un jeune homme qui essaie d'être sage, mais je sais que c'est mon but.

Je sais que c'est moi et que je vais y arriver.  Mais là, si je devais dire un truc, c'est que ça prend du temps pour moi encore. J'ai encore beaucoup de choses à apprendre. En vrai, c'est pas une course, c'est un marathon. Je ne me fais pas trop de soucis pour ça. Me dire que, “ah ouais, j'ai encore ça, ça, ça à apprendre. Il me manque ça à expérimenter” ; je peux me dire qu’il faut que je fasse vite ou que je manque de temps ou que j'ai perdu du temps dans ça, ça, ça. Mais en vrai, je me dis, tant que je suis dans le chemin pour, c'est comme si j'étais déjà cet homme là. Là je dis ça comme ça, mais à le penser tous les jours, je n'y arrive pas toujours. 

C'est une version de moi qui est là et qui m'attend. J'ai les outils pour. 

La patience

Tout au long de l'entretien, on a beaucoup parlé voyages, quêtes, rencontres de soi ; quel est ton mantra ? 

Il y a un proverbe africain que j'aime beaucoup, qui dit : “Au bout de la patience, il y a le ciel ». Quand je l'ai lu pour la première fois, je me suis dit « Ah, en vrai, cette phrase… c'est ça en fait. ». Cette phrase résume tout, pour tout. Je me suis rendu compte que la patience est vraiment une qualité hyper importante. C'est‑à‑dire que, sans la patience, rien en te vient.

La patience, c'est mon seul moteur.
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.Davis : l’intime, le sincère et l’universel.